Depuis plus de quinze ans, l’exposition aux ondes radiofréquences est au cœur de nombreuses polémiques. L’utilisation du téléphone portable est devenue massive : d’après le rapport 2019 du Baromètre du Numérique, en 2019, 99% des 18-39 ans déclarent posséder un téléphone mobile ainsi que 86% des 70 ans et plus. Or, des questions autour de ces usages et des infrastructures (antennes relais) qui supportent ces communications se multiplient et sont alimentées par des confusions ou des idées reçues, comme  l’explique l’article Notre exposition aux ondes électromagnétiques : attention aux idées reçues publié dans le journal The Conversation.  Nous vous proposons de revenir sur quelques études actuellement réalisées pour caractériser les expositions.

Le déploiement de la 5G relance les préoccupations autour de l’exposition aux ondes radiofréquences et son évolution, aussi est-il nécessaire aujourd’hui de vérifier que les émissions sont en dessous des limites sanitaires (Déploiement de la 5G en France et dans le monde : aspects techniques et sanitaires). Cette vérification est menée à l’aide d’un protocole de mesure (tel que le protocole de mesure l’ANFR) qui quantifie l’exposition maximale possible. En outre, l’ICNIRP, International Commission for Non Ionizing Radiation Protection, en mars 2020, a publié des recommandations pour les limites de protection des expositions des êtres humains relatives aux effets avérés des rayonnements. De plus, en vue de caractériser les variations temporelles et spatiales de l’exposition induite par les antennes relais et d’anticiper les potentielles évolutions de ces expositions, de nombreuses études sont menées régulièrement.

Des capteurs mis en place pour surveiller l’exposition

En France, des capteurs autonomes fabriqués par la compagnie EXEM ont été installés. L’ANFR en a par exemple posés à Marseille et à Nantes afin d’évaluer les variations temporelles de l’exposition. En analysant les premiers résultats de ces mesures  il est possible d’observer les variations journalières mais aussi, à plus grande échelle, les effets du confinement.

Fig. 1 : Variation des mesures jour/nuit relevées sur un capteur dans le centre-ville de Marseille

Installés à environ 150 mètres d’une antenne 5G expérimentale, ces capteurs analysent pendant au moins 6 minutes toutes les 2 heures les expositions. Les mesures qui en découlent sont retranscrites en temps réel sur le site officiel de l’ANFR. Ces mesures, si intéressantes soient-elles, restent ponctuelles, c’est pourquoi il est nécessaire de construire des outils afin d’obtenir une cartographie spatio-temporelle des expositions.

Cartographier l’exposition dans les réseaux cellulaires 4G à l’aide de réseaux neuronaux artificiels

En vue d’évaluer la distribution spatiale et temporelle de l’exposition à l’aide de l’IA, des mesures de capteurs et d’informations sur les réseaux de télécommunication, Joe Wiart, professeur à Télécom Paris et responsable de la Chaire Modélisation, Caractérisation et Maîtrise des expositions aux ondes électromagnétiques [C2M], a conduit des travaux avec Shanshan Wang, post-doctorante à Télécom Paris. Leur étude, retranscrite dans l’article « Sensor-Aided EMF Exposure Assessments in an Urban Environment Using Artificial Neural Networks », analyse des données issues des réseaux de capteurs avec les outils de l’Intelligence artificielle. Elle s’appuie sur la base de réseaux de neurones artificiels et sur la connaissance des architectures de réseaux de communication pour reconstruire une cartographie temporelle et spatiale du champ électromagnétique. Cette cartographie pourra être mise à disposition de tous par l’ANFR.

L’étude montre que l’on ne rencontre pas de problème majeur pour évaluer et reconstruire les émissions de la 2G, la 3G et la 4G.  En revanche, l’arrivée de la 5G va constituer un défi en termes de comportement temporel des émissions. En effet, avec des antennes directives intelligentes, la 5G va être capable d’émettre dans des directions variables (antennes à formation de faisceaux variables) liées à la localisation des utilisateurs. Les variations temporelles vont dépendre de l’orientation des faisceaux et de celles liées au trafic dans la zone.

Comme dans le cas de la 2G, la 3G et la 4G, les expositions induites par les téléphones vont dépendre de l’éloignement du portable à l’antenne (plus il sera loin, plus il va émettre fort). Dans le cas de la 5G les émissions des portables et l’exposition pourraient être minimisées en tirant avantage du gain des antennes directives.

Mesurer les expositions cumulatives et leurs variations est primordial pour s’assurer que l’apport de la 5G n’affectera pas la santé de la population. Cela pose de nombreux défis aux chercheurs qui doivent trouver de nouveaux protocoles efficaces pour mesurer les expositions et leurs variations spatiales et temporelles.