La 5G (technologie de cinquième génération pour la téléphonie mobile) va succéder à la génération précédente, la 4G. Cette nouvelle génération, qui promet des débits ultra-rapides et des latences faibles, va permettre le développement de nouvelles technologies telles que la voiture autonome. Elle s’accompagne également d’un accroissement des usages habituels des communications sans fil. Ces bouleversements génèrent des inquiétudes et soulèvent de nombreux questionnements, notamment en termes d’expositions humaines aux ondes électromagnétiques. Joe Wiart, professeur à Télécom Paris et responsable de la Chaire Modélisation, Caractérisation et Maîtrise des expositions aux ondes électromagnétiques [C2M] a répondu à nos questions.

Quels sont les nouveaux défis induits par la 5G pour la recherche menée au sein de la Chaire C2M ?

Joe Wiart, titulaire de la chaire C2MLes émissions liées à la 5G (équipements personnels ou infrastructures) vont contribuer à l’exposition aux radiofréquences (fréquence d’onde électromagnétique située entre 3 kHz et 300 GHz) qui sont au cœur des thèmes des recherches de la Chaire C2M. Cette Chaire caractérise l’exposition des personnes aux ondes électromagnétiques générées par les systèmes de télécommunications pour mieux contribuer à leur maîtrise. Notamment, elle étudie les méthodes permettant d’évaluer expérimentalement ou numériquement l’exposition induite par les systèmes de télécommunication. Pour cela, les recherches doivent, en plus de quantifier les expositions et d’étudier leur impact, déterminer les outils qui existent à l’heure actuelle et ceux que l’on devra construire dans le futur. Les émissions liées à la 5G, par les inquiétudes qu’elles créent, sont également au centre des études relatives à la perception de risque induit par ces expositions.

Récemment les journées de l’URSI 2020 avaient comme thématique « Réseaux du futur : 5G et au-delà ». J’étais le président du comité scientifique de ces journées. Cet événement a traité de sujets très larges liés à la conception et au dimensionnement des réseaux de communications sans fils, des problématiques associées à l’exposition ont également été abordées. De plus, des articles de recherche ont été publiés portant sur les moyens d’évaluation expérimentaux des expositions générées par les réseaux de télécommunication mis en œuvre actuellement.

L’arrivée de la 5G va-t-elle accroître notre exposition aux ondes électromagnétiques ?

Une extension et une réorganisation du spectre des fréquences vont s’opérer au profit de la 5G. Les changements induits par cette réorganisation se caractériseront par une possible densification des réseaux qui réutiliseront les bandes existantes. La multiplication des antennes aura pour première conséquence visible un rapprochement spatial de ces dernières. De ce fait, les antennes et les mobiles  n’auront pas besoin d’émettre beaucoup de puissance. La multiplication des réseaux et des antennes relais, qui va s’accélérer de par les usages, ne diminuera pas l’exposition. Cependant, on ne prédit pas pour autant de très forte augmentation des expositions à l’heure actuelle.

En outre, les usages actuels vont évoluer, d’autres vont apparaître et l’utilisation des outils de communication sans fil, comme le téléphone va encore s’accroitre. Ces usages conditionneront l’exposition aux ondes. Aujourd’hui même, les usages augmentent et l’exposition change. Par exemple de plus en plus de jeunes utilisent le téléphone en mode mains libres. Dans ces conditions l’écran est à 30cm ou à 50cm devant les yeux et non collé à l’oreille, l’exposition n’est donc pas la même. L’accroissement de ces usages génère des incertitudes en termes d’exposition globale.

Les journées de l’URSI ont aussi été l’occasion de présenter des travaux menés par la chaire dans des domaines plus théoriques comme par exemple, des travaux utilisant les outils de la géométrie stochastique pour étudier l’influence de la densification des antennes au m² sur l’exposition globale, ou encore, des travaux portant sur la densité ou celle relative à l’utilisation de l’intelligence artificielle pour reconstruire l’exposition à partir de mesure opérée par des capteurs. La Chaire contribue également à ces études par le biais de ses projets de l’ANSES, mais aussi par le biais des études de dosimétrie (outils statistiques qui tournent autour des statistiques avancées) notamment avec le projet Européen Lexnet.

Peut-on prédire l’impact des expositions induites par la 5G sur la santé ?

A l’heure actuelle, il n’y a aucune raison de penser que les spécificités de la 5G impacteront fondamentalement la santé publique. Les études et les rapports d’experts menés à ce sujet n’ont à ce jour pas détecté d’éléments qui nous fassent anticiper des problèmes sanitaires.

Aujourd’hui, l’ICNIRP (Commission internationale pour la Protection contre les les Rayons Non Ionisants), recommande des niveaux de protection pour prémunir des effets avérés des rayonnements. Ces niveaux sont la base de la législation actuelle. Toutefois, même s’il n’y a pas d’effets sanitaires avérés, la vigilance doit être maintenue et je recommande un principe d’attention. Les usages évoluent, donc ce n’est pas parce que les rapports n’ont pas diagnostiqué de risque potentiel pour la santé qu’il faut baisser la garde. Par exemple, nous travaillons avec les épidémiologistes afin de vérifier que l’exposition n’a pas d’impact sur les cancers du cerveau. La Chaire a contribué aux projets européens MOBI-Kids et GERONIMO coordonné par ISGLOBAL (Barcelona Institute for Global Health) et au projet international COMOS coordonné par l’OMS, analysant le possible impact de l’exposition sur le développement de tumeurs. Le principe d’attention fait partie de la recherche : s’il n’y a pas d’élément qui nous laisse penser qu’il y a des risques pour la santé, l’attention est maintenue sur les risques potentiels.

Beaucoup de questions restent encore en suspens en termes d’expositions aux ondes électromagnétiques induites par la 5G. Si, à l’heure actuelle, la recherche n’a pas diagnostiqué de potentiels risques sanitaires liés aux expositions aux ondes électromagnétiques, elle continue à investiguer sur ce sujet.

La Chaire Modélisation, Caractérisation et Maîtrise des expositions aux ondes électromagnétiques, par le biais de ses recherches menées avec de nombreux partenaires, contribue à apporter des réponses à ces interrogations.